Manifeste du traceur

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agzel
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Manifeste du traceur

Message par agzel » lun. déc. 18, 2006 4:36 pm

Salut, voila j'ai eu une petite idee faire un manifeste du traceur.
J'ai pondu quelques lignes. L'ideal serait que chacun reprenne ce que j'ai ecrit et y apporte des modifications des ajouts ... pour en faire un truc complet.

Le texte :
Manifeste du traceur (pratiquant du Parkour).

Depuis la nuit des temps, l'homme a toujours voulu se dépasser et tester ses limites. L'évolution est une amélioration permanente de nos capacités physiques et mentales. Depuis toujours l'homme a voulu explorer le monde dans lequel il vit. Nous avons vu l'apparition de la roue qui a permis à l'homme de se déplacer plus facilement, il a appris à nager, à naviguer. C'est ainsi, qu'aujourd'hui, la plupart des terres de notre monde ont été explorées. Durant cette période d'exploration, la société a elle aussi évolué. Petit à petit notre société nous a imposé des règles et des lois. Notre liberté de mouvement et notre désir d'aventure s'est réduit considérablement. Notre esprit aussi s'est habitué à suivre ces lois et de ce fait 90% des personnes suivent ce qu'on leur dictent même si elles n'en n'ont pas conscience. La ville dans lequel 2/3 des humains vivront en 2010 est souvent subis par ses habitants. La ville, la plupart des gens pensent la connaître. Il s'en servent pour travailler, aller flâner dans les boutiques, traîner dans les bars ... Mais l'essence même de la ville, son âme, sa personnalité, peu de gens en ont conscience. Les rues canalisent les personnes. Les signalisations et les panneaux nous dictent inconsciemment ou consciemment notre chemin. L'urbanisme sert un agencement savant de la ville à des strictes fins d'utilité sociale. De ce fait des résistances se déploient, certaines concernent de nouveaux modes de penser l'architecture et l'urbanisme, d'autres la manière même d'y habiter et de s'y déplacer. Qui n'a pas eu envie à un moment ou l'autre de braver ces interdits et d'aller là ou bon lui semble. Peu de gens prennent l'initiative de redécouvrir ou d'utiliser la ville autrement. Deux raisons majeures à cela, soit ils n'en ont pas le temps, soit ils n'en voit pas l'intérêt.

Qu'est ce qu'un traceur me direz-vous ?
Quel est son but ? Que recherche-t-il ?

Un traceur est avant tout une personne qui refuse qu'on lui dicte où aller.
Il se sert de la ville pour se déplacer autrement, prenant appui sur les murs, les bâtiments, les cloisons, les garde-fous, les rambardes, sur tout ce qui fait obstacle au mouvement, pour se projeter dans les airs en inventant des sauts et des figures. Il créé des instants de liberté en volant ou grimpant sur les obstacles quand d'autres les contournent. Il veut une totale liberté de mouvement. Face à un mur, la plupart des gens le contourne. Le traceur, lui, passe par dessus. S'il se trouve devant une barrière il essaye de la franchir le plus rapidement possible. Le traceur utilise les obstacles du mobilier urbain pour se déplacer.

Son but est multiple :

Il cherche à se connaître.

Connaître ses limites, connaître ses capacités. Le traceur est une espèce à part qui cherche à repousser ses limites tout en les connaissant. Il n'y a pas de compétition sportive entre pratiquant mais une compétition avec soi-même. Devant un saut on est tout seul. Si on ne maîtrise pas la technique et que l'on souhaite épater la galerie, on est seul face à ses blessures. L'essence même du vrai traceur, c'est la pratique pour soi et non pour les autres. On cherche à s'améliorer intérieurement. A renforcé notre esprit. C'est pourquoi la préparation mentale est aussi importante que la préparation physique. Le mental joue énormément sur le physique et la confiance en soi. Peu de personnes en ont parfaitement conscience. Les difficultés rencontrées en Parkour nous servent dans la vie courante. Nous sommes plus fort mentalement face à des problèmes qui autrefois nous aurais paru impossible à régler.



La traceur cherche aussi à connaître.
La ville est un formidable terrain de jeu et d'aventure construit au fil des ans par les architectes et les bâtisseurs. En connaître les moindres recoins est grisant. On n'imagine pas toutes les rencontres que l'on peut faire et tout ce que l'on peut trouver sur les toits des immeubles et dans les souterrains.
Percher sur les hauteurs de la ville, le traceur observe la vie dans toutes ses nuances.


A force de pratiquer, l'esprit se développe et le traceur voit la ville différemment. De pratique sportive on passe à un art de vivre à par entière. Le traceur mange Parkour, vit Parkour, dors Parkour. Il voit en permanence de nouvelle possibilités de sauts quand la plupart des habitants ne voit qu'un simple mur ou une simple bouche de sortie de métro. L'imagination s'intensifie et on se laisse aller à rêver de sauts inimaginables. On est en quête constante de nouveau endroit à découvrir et de nouvelles techniques à essayer. Avec le temps, les habitués repèrent rapidement les traces de passage d'un autre traceur. Une trace de semelle sur un mur, une branche d'arbre usée par endroit etc.

Le traceur est en perpétuel évolution. Il cherche à sauter toujours plus haut toujours plus loin. Une fois les techniques de bases apprises, il ne lui reste plus qu'à les maîtriser parfaitement. Passe-muraille, tic-tac, saut de chat, saut de bras font parti du vocabulaire des traceurs. Pour le commun des mortels cela ne veut rien dire...

Nous sommes des milliers de part le monde à pratiquer cette activité comme un sport ou un art de vivre. Depuis sa création le Parkour à vu naître plusieurs mouvements. Les pratiquants du Parkour originel et ceux qui mélangent les acrobaties avec les techniques propre au Parkour. Certains ont vu dans ce nouveau mouvement un formidable moyen d'engranger des revenus. Nous avons vu apparaître des conflits entre pratiquants. Des débats s'organisent sur la médiatisation et la récupération de ce nouveau sport par les publicitaires et le rouleau compresseur capitaliste. Des associations sportives pour promouvoir ce nouveau sport commence à apparaître. D'ailleurs qu'en est-il vraiment. Le Parkour est-il un sport et/ou un art de vivre ?
A chacun de définir " son " Parkour et sa voie. Mais sachez une chose, il y aura toujours quelqu'un pour faire différemment que vous. Arrêtez de vous chamailler et de débattre sur un sujet qui ne finira sans doute jamais. Si vous vous dites traceurs dans l'âme, allez donc vous entraînez.

Je suis un traceur de part mon goût pour l'exploration et l'envie d'évoluer mentalement et physiquement. Je suis un traceur de part ma façon de vivre ma ville. Je serez toujours un traceur quoiqu'il arrive.

A bientôt peut-être sur un toit où dans une autre vie.

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Thomas
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Message par Thomas » lun. déc. 18, 2006 5:11 pm

J'aime ^^

Une seule critique: je trouve que c'est trop axé sur la ville; manque une partie sur la pratique dans la nature...
Je vais réfléchir à comment l'améliorer; ça pourrait faire un article intéressant au final ^^
<p><a href="http://parkourgrenoble.fr" target="siteasso"><img src="http://feeds.feedburner.com/Association ... b=44Eg"><a>
Téléphone: 06-42-09-48-33 </p>

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Message par Kaporal Pipas » lun. déc. 25, 2006 4:42 pm

Axel je tiens à te complimenter pour ton manifeste. 8)
Je pense avoir un poème sur la géométrie urbaine qui puorrait te donner d'autres pistes. Je te le donnerai à notre prochaine rencontre.
Je ne sais pas dans quoi tu t'es lancé, mais il y a probablement autant de manifestes que de traceurs! :shock: Vaste projet! :roll: Et encore bravo pour ta verve! :)
Sus aux noobs! Fulguroflaque! Jusqu'à la mort!

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Message par steve-o » lun. déc. 25, 2006 6:00 pm

je kiffe complètement et je pense que l'on pourrait aller encore plus loin dans l'écriture de ce manifeste et personellement je suis partant pour évoluer dans cette entreprise!!! Encore bravo
Samo-Lo

sophilmb
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Message par sophilmb » sam. janv. 06, 2007 3:47 pm

Hé bé! Sans blague, en bonne partie, voici mon mémoire résumé!! Sauf que moi, il m'a fallu 4 ans de socio pour en arriver là!!! Désespérant pour moi! Du coup, félicitations pour toi! Le succès des uns fait le désarroi des autres...
Bon, tout dépend à qui s'adresse le manifeste, mais si pour chaque point abordé, t'as besoin de plus d'arguments, de justifications, de légitimations genre philosophico-politico-économico-artistico-sociologico-intellectuelles (et de références littéraires allant avec), ben je peux te filer des pistes...
Mais à mon avis, y'a pas besoin de broder plus, un manifeste si c'est trop long personne le lira!
Donc bravo et merci, c'est quelque chose qui va pouvoir m'aider!

PS: au passage, c'est quoi le poème sur la géométrie urbaine?

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Message par agzel » sam. mars 24, 2007 3:33 pm

Re moi.

Voila ça fait un petit moment que je souhaite relancer la rédac d'un vieux projet de magasine sur les cultures urbaines. Voir ici.

J'ai une copine infographiste qui pourrait nous aider pour la couverture et le squelette des pages en terme de design. Après reste le contenu et les photos. On ferais des articles sur le Parkour mais aussi sur les graff aux alentours de Grenoble et d'autres sujets à définir. Le mag servirais aussi de magasine d'information sur les évènements autour du Parkour à Grenoble/France/Monde.

Pour bien partir, l'idée serait que chacun redige sa vision du Parkour, dans un manifeste comme celui plus haut. Ou alors apporte des modif's à celui déjà existant, si sa vision se rapproche plus d'une vision Parkour+ville que Parkour+nature.

Tout est à faire. :D

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Message par Aurelien » sam. mars 24, 2007 4:41 pm

L'idée du manifeste peut être sympa, pour montrer la diversité de chacun :)
Hé... j'ai eu une idée rigolote !
Pour me joindre, SMS: 06 61 23 53 30 ou mail.

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Message par BorderLine » dim. mars 25, 2007 10:52 am

C'est parti FF (Four Fingers), je pense qu'on a pas mal de matière à mettre dans ce fanzine...
A ce propos il faut que l'on se capte pour continuer :twisted: :twisted:

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Message par Aurelien » ven. avr. 06, 2007 1:14 am

Ca pourra peut être servir pour la zine, en attendant, c'est dans ce sujet que ça convient le mieux.

Voici donc ma vision du parcours, enfin ma vision du parcours à deux heures du mat, c'est donc pas forcément trop clair:

O fortunatos ninmium, sua si bona norint, agricolas.
Trop heureux les hommes des champs s’ils connaissent leur bonheur.

Si l’homme a grandi dans la nature, c’est dans la ville que les sociétés humaines se sont elles développées. Dans la ville qu’elles se sont épanouies et ont développés des technologies, permettant toujours d’en créer d’autres.
Là où s’étendait la plaine, se sont dressées des cabanes. Le bois a été remplacé par la pierre tandis que de nouvelles habitations étaient construites. Toujours plus vaste, l’univers humain s’est transformé en univers urbain, ne laissant bien souvent qu’une place minime à la nature.


O tempora ! O mores !
Quel époque ! Quelles mœurs !

De nos jours, en ville, le béton est prédominant. Alors que certains animaux, en cage dans nos zoos tournent en rond, les humains ne se rendent pas compte qu’ils s’infligent eux-mêmes un sort similaire. Il n’y a pas de barreaux de métal, non, ce serait trop flagrant, en revanche, les murs de bétons sont légions, et les routes goudronnées remplacent les chemins en terre. Pour faire leur séance de sport hebdomadaire, bon nombre d’entre nous, l’age aidant, courent, dans des stades, sur des routes, sur le bitume…
Personne ne profite des obstacles que l’homme s’est lui-même construit : la villes est un immense terrain de jeu, peut être même, si ce n’est moins beau, plus vaste que la nature


Hora fugit, ne tardes.
L’heure fuit, ne tarde pas.

Les barrières sont là, elles nous limitent, même indirectement. La société impose des modèles, qu’il faut suivre, au risque d’être regardé de travers. Parmi ces modèles, celui du bon citadin, qui déambule paisiblement dans les rues, marchant en ligne droite sur les trottoirs, attendant son tour soigneusement au feu rouge. Il semblerait qu’on ôte toute la spontanéité qui fait que nos vies ne sont pas qu’une suite monotone de jours.


Vivere memento.
Souviens-toi de vivre

Cependant tous les hommes ne se conforment pas à ce modèle, parfois parce qu’ils n’ont pas grandi dans ce milieu. Certains viennent de petites villes, de villages et ont une approche différente de la nature. D’autres ont grandi dans ce milieu bétonné mais ne supportent pas pour autant ces règles. C’est là le point commun à tous, ils rêvent de liberté, cette liberté commence par une plus grande facilité de mouvement.


Ars longa, vita brevis.
L’art est long, la vie est brève

Les traceurs s’entraînent. Les traceurs s’entretiennent. Des exercices de musculation ajoutés au parkour leur donnent une meilleure capacité à se déplacer. Ils voient dans une barrière, non plus un obstacle infranchissable, mais un obstacle franchissable, qui si cela s’avère nécessaire, sera passé avec la plus grande facilité possible. La risque de blessure n’est jamais loin, ainsi, le traceur doit savoir jusqu’où aller. Ses seules limites sont physiques et mentales.
Physiques, car si son corps n’est pas suffisamment fort, il risque de se blesser, en se surestimant, en poussant à bout son, somme toute, très frêle squelette. Les limites mentales ne doivent pas être oubliées. Le traceur doit être fort. Pour avancer dans sa progression, pour faire le pas de plus. Celui qui lui permettra d’améliorer ses performances, mais aussi celui qui le mène un peu plus loin sur le chemin de la vie.


Uti, non abuti.
User, ne pas abuser.

Pourtant, le traceur ne doit pas oublier quelles sont ses limites. Il n’y a pas besoin de sauter plusieurs étages pour être un bon traceur. Il vaut parfois mieux dévaler avec fluidité les marches que s’écraser trop lourdement de plusieurs mètres de haut. Tracer, c’est aussi se conserver, sur le long terme, à l’échelle d’une vie. Il faut savoir résister, à l’excitation de la jeunesse, à ce sentiment d’invincibilité qui pourrait bien trop vite nous ramener sur terre.

Tracez bien, avec intelligence et spontanéité, en liberté !
Hé... j'ai eu une idée rigolote !
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Message par lios » mar. déc. 08, 2009 6:01 pm

on disait a tort que les traceur étaient des fous sans cervelles. fou est celui qui le répètera après avoir vécu l'expérience du parkour.

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David Pagnon
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Message par David Pagnon » ven. sept. 16, 2011 8:39 am

Je retombe sur vos articles, Axel et Auré, toujours aussi bons et d'actualité ;)

Axel faut vraiment que tu te remettes au parkour (enfin ça c'est pas nouveau) et Auré, tes citations latines m'ont bien fait rire, elles sont inattendues mais bien adaptées :D
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Aurelien
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Message par Aurelien » ven. sept. 16, 2011 11:42 pm

J'avais oublié que j'avais écris ça... :lol:
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Aragathis
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Message par Aragathis » dim. oct. 30, 2011 8:26 pm

Petit remontage de sujet tardif…

La vidéo montrée l'autre jour m'a passablement mis les nerfs, non qu'elle soit mal foutue ou inintéressante, mais parce que le narrateur est Rousseau. Oui c'est tout à fait subjectif, mais je ne peux pas encaisser ce mec. Alors l'idée que ce cadavre poussiéreux me donne des leçons de philosophie traçeuse me lancine assez douloureusement le cortex.
Comprenez bien que je ne suis pas le premier connard venu bourré d'orgueil (encore que pour le connard, je dis pas). J'accepte avec indifférence que Lovecraft ou Sartre me soient supérieurs à l'écrit, même si j'espère bien que ce ne soit que partie remise ; et avec humilité la supériorité de Hugo ou Baudelaire. Mais imaginer que Rousseau me dépasse me donne des boutons, qui enlaidissent mon beau visage de prince pirate.

Mon dernier voyage en train fut plutôt fructueux puisque, devant absolument me mettre à bosser pour mes études, je me suis débrouillé pour ne rien foutre. Mais pas seulement, puisque j'ai aussi écrit un brin.
Je ne sais pas si ça a vraiment sa place ici, mais je pense que la poésie courte serait peut-être mieux indiquée que le texte au haut de cette page (non qu'il soit mal écrit, mais il sonne un peu trop "tract militant" à mon goût : selon moi, la philosophie du parkour ne doit pas être de refuser les limites imposées par la société, mais avant tout de repousser celles de son corps et de son esprit).

Juge, lecteur, et je me rendrai à ton avis :P .


J'ai des yeux gris de béton, de poussière et d'ennui. Des yeux morts et sans envie, des yeux fatigués qui se voilent. J'ai une cataracte de soir d'automne. Je ne vois rien de grand, rien de beau. Tout m'apparaît râpé, abrasé, affaibli, aussi gris que mes iris. Tout a été vu mille fois, par moi et par tant d'autres, depuis le poteau de bois sans âge qui tient le signal à deux lucarnes, jusqu'au caillou anonyme entre les rails - tout est gris, presque sans nuance. Rien de nouveau, rien d'intéressant ; relance le moteur, chauffeur, qu'on mette les voiles. Circulons, y a rien à voir. Ce n'est pas le temps qui érode les choses, c'est le regard qui les use.
Je sens l'appel de l'ailleurs, je soupire après des voyages pas si impossibles que ça. Je pourrais tout jeter - argent, salaire, études - pour aller où je veux. Je n'ai pas besoin de bibliothèque pour écouter les cascades en Nouvelle-Zélande, ni de portefeuille pour admirer la Lune éclairant la toundra. Je veux, sans me coiffer, voir une aurore boréale. Je pourrais plaquer amis et famille, même. Je n'ai besoin de personne pour toucher l'écorce d'un séquoia ou guetter un panda. Personne ne peut m'empêcher d'aller boire le Connemara. Je veux, seul, voir une chouette en chasse. Tant que j'y suis, je pourrais même claquer mes idéaux, ma nature, renoncer à mes principes. Rechercher la compagnie d'inconnus et d'étrangères, faire la nique à ma timidité. Parcourir des pays chauds en écrasant mon amour du froid. Chercher de la beauté dans le vulgaire.
Je sens l'appel de l'ailleurs, et je pars en effet. Mais je pars sur des rails, et je sais où je vais : j'arrive un peu déjà. En abdiquant sa liberté, le voyageur n'est plus que touriste ; il pense cartes postales, retour prochain et, pire, souvenirs.
Oublions les rêves de départs soudains et d'exil volontaire. Admettons l'attachement si profond à l'habitude et au confort. Tolérons même l'amour de sa terre. Mais refusons l'apathie.
Ce gris dans mes yeux est celui de la peau empoisonnée. Il a la même teinte que la panthère en cage ou le ciel qu'on pollue. Pas tout à fait lugubre, mais plus assez vivant. C'est un gris de Schrödinger. Chasser ce clair-obscur qui n'est même pas un crépuscule est plus qu'un devoir : c'est une impulsion de vie, le dernier sursaut pour se rattraper. Je n'ai ni le droit de le refuser, ni le droit à l'erreur : mon être entier me crie "quitte ou double ta tristesse !"
Si je ne vois plus ce que je regarde, c'est ma faute : je l'ai trop vu. Si je n'admire plus le Spectacle permanent, c'est que je m'assieds toujours à la même place. Une montagne pourtant n'est pas un tableau plat : elle a autant de versants que de chemins possibles. Si je la gravis depuis le Nord, son Sud sera en pente.
Je peux parcourir cet espace qui me paraît si gris d'un pas monotone, par les mêmes parcours ; mais je peux aussi quitter les trottoirs, traverser hors des bandes blanches, sauter les bornes, escalader les murs. Je peux voir des échelles là où on a posé des barrières, et faire un tremplin d'un garde-fou. Ma liberté demande des efforts et n'est pas sans risques. Mais si, heurtant un angle de béton, je m'y entaille la jambe, je devrai être heureux : j'aurai laissé, sur le gris muraille, un peu de mon rouge sang. Et la ville deviendra mienne.
Si mon chat peut le faire, je peux le faire.

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Message par Nicolas » dim. oct. 30, 2011 9:47 pm

Salut à Toi ! Ô Aragathis ! Grand "Panseur" !... Euh... "Penseur" ! Pardon :P

Merci pour cette contribution... ^^

Après une première lecture : je peux dire que certains passages m'ont amusé : "Personne ne peut m'empêcher d'aller boire le Connemara." :D . Plus particulièrement la fin : "...Mais si, heurtant un angle de béton, je m'y entaille la jambe, je devrai être heureux : j'aurai laissé, sur le gris muraille, un peu de mon rouge sang. Et la ville deviendra mienne." A méditer :?: :)
Téléphone : 07.83.95.83.96
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David Pagnon
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Message par David Pagnon » lun. oct. 31, 2011 6:24 pm

Ce n'est pas le temps qui érode les choses, c'est le regard qui les use.
Pas mal celle-la ! Citation ? Création ?
Je sens l'appel de l'ailleurs, je soupire après des voyages pas si impossibles que ça. Je pourrais tout jeter - argent, salaire, études - pour aller où je veux.
Héhéhé, quelque chose me dit que certains me jalousent...
Je veux, sans me coiffer, voir une aurore boréale.
Hum, y a un truc qui m'échappe à ce niveau là...
[Un gris] pas tout à fait lugubre, mais plus assez vivant. C'est un gris de Schrödinger.
A celle-ci, je lève mon chapeau. Comme quoi certains littéraires n'ont pas peur d'aller voir du côté des sciences !
Mais bon, d'un point de vue tout à fait strict et scientifique, un gris de Schrödinger serait à la fois mort et vivant, du moins avant qu'on s’inquiète d'aller le vérifier. Ce qui pourrait mener à d'autres réflexions intéressantes...


On se demande jusqu'au bout où tu veux en venir et le rapport avec le parkour, d'où la force du dénouement; et conclure un texte empreint d'un tracé morne et gris par le jaillissement d'une goutte couleur rouge vif est assez fort visuellement, elle a beau être petite, elle n'en est pas pour autant discrète, on finit d'ailleurs par ne voir plus que ça.
En bref, j'aime vraiment bien l'ensemble ! Mais je ne suis pas sûr que ça ait le même impact qu'un "tract militant" sur un lecteur lambda (bien que je sois d'accord avec le fait que le parkour doive être une lutte contre soi-même et sa nature apathique plutôt que contre la société...)

Content de voir en tous cas que le parkour unit aussi les "classes sociales" (hum, j'aime pas ce mot mais je n'en connaît pas de plus approprié), intellectuels compris ;)
Mon numéro : 06.19.86.06.57.

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